Entre le 7 février 1992, date de la signature par douze pays du traité de Maastricht et le 16 décembre 1995 jour où, à Madrid, les quinze chefs d'États et de Gouvernement des pays constituant l'union européenne élargie mirent au point un communiqué précisant les modalités pratiques du passage à la monnaie unique, l'Europe a vécu l'une de ces périodes historiques où le destin semble hésiter, au point même de sembler s'inverser, pour reparaître ensuite plus clair.
La conjoncture économique devait jouer un grand rôle dans ces turbulences. Au début de 1992, les États-Unis émergeaient d'une récession ; l'Angleterre également, mais elle ne le percevait pas encore. Quant aux pays de l'Europe Continentale, personne, chez les responsables politiques comme chez les économistes ne pouvait prévoir que les deux prochaines années seraient marquées par l'une des plus sévère dépression de la période d'après guerre.
La conjoncture devait servir de révélateur à des comportements et des réactions traduisant des sensibilités, voire des passions, très diverses à l'égard de l'idée d'union monétaire européenne.
Il allait en effet se révéler que les principes et les modalités de cette entreprise hors du commun, n'avaient été si facilement acceptés que parce que beaucoup, à l'origine, ne croyaient pas à sa réalisation finale, ce qui, pensaient-ils, les dispensait de manifester dès l'origine une hostilité totale.
À Madrid, des décisions importantes allaient être prises :
- la monnaie européenne s'appellera l'euro ;
- l'union monétaire débutera le 1er janvier 1999 ;
- l'introduction de l'euro s'effectuera en deux étapes : la politique monétaire et de change et les marchés en 1999 ; les opérations de détail plus tard, lorsque les billets et les pièces en euro seront disponibles.
Au terme de cette période mouvementée, les conclusions de Madrid ont donné au processus d'union monétaire une forte visibilité.
Un autre bilan peut être dressé de la période observée depuis la conclusion du traité de Maastricht :
- toutes les attaques spéculatives contre les monnaies des pays du noyau central de l'Europe ont échoué ;
- les circonstances ont montré l'inanité des leçons de politique économique données par ceux qui estimaient que dévaluer les monnaies permettrait des taux d'intérêt bas et, par conséquent, une relance économique. C'est l'inverse qui se produit. Ce sont dans les pays dont les monnaies sont restées les plus stables que les taux d'intérêt à court et long terme sont, de loin, les plus bas ;
- la parité des taux d'intérêt à long terme en France et en Allemagne, désormais observée depuis plusieurs semaines, atteste que l'union monétaire est désormais une réalité pour les marchés.
Il reste des problèmes à résoudre, mais l'impulsion est irréversible.